LÉO FERÉ
Les étrangers (1974)



LOS EXTRANJEROS
Letra y música: Léo Ferré

Regarde-la ta voile elle a les seins gonflés
La marée de tantôt te l'a déshabillée
Les bateaux comme les filles ça fait bien des chichis
Mais ce genre de bateau ça drague pas dans Paris
T'as les yeux de la mer et la gueule d'un bateau
Les marins c'est marrant même à terre
c'est dans l'eau
Ta maman a piqué sur ta tête de vieux chien
Deux brillants que tu mets quand
t'embarques ton destin

C'est pas comme en avril en avril soixante-huit
Lochu tu t'en souviens la mer on s'en foutait
On était trois copains avec une tragédie
Et puis ce chien perdu tout prêt à s'suicider
Quand la mer se ramène avec des étrangers
Homme ou chien c'est pareil on les r'garde naviguer
Et dans les rues d'Lorient ou d'Brest pour les sauver
Y a toujours un marin qui rallume son voilier

Regarde-la ta quille à la mer en allée
La marée de tantôt te l'a tout enjupée
Les bateaux comme les filles ça fait bien du chiqué
Mais quand on s'fout à l'eau faut savoir naviguer
T'as le coeur comme ces rocs
vêtus de Chantilly
Quand la tempête y a fait un shampooing
dans la nuit
Ta maman t'a croché deux ancres
aux doigts de chair
Et les lignes de ta main ça s'lit au fond d'la mer

C'est pas comme en avril en avril soixante-huit
Lochu tu t'en souviens dans ces rues de l'emmerde
On était trois copains au bout de mille nuits
Et le jour qui s'pointait afin que rien ne s'perde
Quand la mer se ramène avec des étrangers
En Bretagne y a toujours la crêperie d'à côté
Et un marin qui t'file une bonne crêpe en ciment
Tellement il y a fourré des tonnes de sentiments

Regarde-la ta barre comme de la Pop musique
Ça fait un vrai bordel chez les maquereaux très chics
La mer a ses anglais avec le drapeau noir
On dirait Soixante-huit qui s'en r'vient du trottoir
Ma maman m'a cousu une gueule de chimpanzé
Si t'as la gueule d'un bar
j'm'appelle Pépée Ferré
C'est pas comme en avril en avril de mon cul
Dans ce bar endossé au destin de la rue

Et c'est pas comme demain en l'An de l'An Dix mille
Lochu tu t'en souviens c'était beau dans c'temps-là
La mer dans les Soleils avec ou bien sans quille
Un bateau dans les dents des étoiles dans la voix
Et quand on se ram'nait avec nos Galaxies
Ça faisait un silence à vous mourir d'envie
Et les soirs d'illusion avec la nuit qui va
Dans Brest ou dans Lorient on pleure et on s'en va

L'An Dix mille... Lochu ? Tu t'rappelles ?
L'An Dix mille... Tu t'rappelles ? Lochu ?
L'An Dix mille, l'An Dix mille, l'An Dix mille...

Mírala tu vela, tiene los senos hinchados
La marea vespertina te la ha desnudado
Los barcos como las chicas hacen muchos remilgos
Pero este tipo de barco no draga en París
Tienes los ojos del mar y la jeta de un barco
Los marinos es gracioso hasta en tierra
están en el agua
Tu mamá ha prendido en tu cabeza de perro viejo
Dos brillantes que te pones cuando
embarcas tu destino

No es como en abril en abril del sesenta y ocho
Te acuerdas Lochu(1) el mar nos importaba un bledo
Éramos tres colegas con una tragedia
Y luego ese perro perdido dispuesto a suicidarse
Cuando el mar regresa con extranjeros
Hombre o perro da igual los miras navegar
Y en las calles de Lorient o de Brest para salvarlos
Hay siempre un marino que atiza su velero

Mírala tu quilla en el mar en retirada
La marea vespertina la ha puesto una falda
Los barcos como las chicas saben camelar
Pero cuando te metes al agua hay que saber navegar
Tienes el corazón como esas rocas
vestidas de chantillí
Cuando la tormenta las ha lavado con champú
por la noche
Tu mamá te ha colgado dos anclas
con dedos de carne
Y las líneas de tu mano se leen en el fondo del mar

No es como en abril en abril del sesenta y ocho
Te acuerdas Lochu en esas jodidas calles
Éramos tres colegas al final de mil noches
Y el día que despuntaba para que nada se perdiese
Cuando el mar regresa con extranjeros
En Bretaña está siempre la crepería de al lado
Y un marino que te larga un buen crepe de cemento
Tanto lo ha rellenado con toneladas de sentimientos

Míralo tu timón como la música Pop
Arma un buen follón entre los chulos elegantes
El mar tiene sus ingleses con la bandera negra
Se diría que el sesenta y ocho vuelve de la acera
Mi mamá me ha cosido una jeta de chimpancé
Si tú tienes un careto de bar
yo me llamo Pepée Ferré(2)
No es como en abril en abril de mi culo
En ese bar endosado al destino de la calle

Y no es como mañana en el año del año diez mil
Te acuerdas Lochu era hermoso en ese tiempo
El mar en los soles con o sin quilla
Un barco en los dientes estrellas en la voz
Y cuando regresábamos con nuestras galaxias
Hacía un silencio como para morirse de envidia
Y las tardes de ilusión con la noche que va
En Brest o en Lorient uno llora y se va

El año diez mil… ¿Lochu? ¿Te acuerdas?
El año diez mil… ¿Te acuerdas? ¿Lochu?
El año diez mil, El año diez mil, El año diez mil…

(1) René Lochu (1899-1989), militante anarquista, sindicalista y pacifista, y amigo de Léo Ferré. Fue destinado a la marina el último año de la guerra 1914-1918. Vivió los bombardeos sobre Brest y Lorient.

(2) Pepée era el nombre del chimpancé de Léo Ferré. “Pepé” también significa “abuelito”.

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