LÉO FERRÉ
Les poètes de sept ans (1964)


LOS POETAS DE SIETE AÑOS
Letra: Arthur Rimbaud (1871) - Música: Léo Ferré

Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et très fière sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences,
L'âme de son enfant livrée aux répugnances.

Tout le jour, il suait d'obéissance ; très
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
À l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir : à la lampe
On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été
Surtout, vaincu, stupide, il était entêté
À se renfermer dans la fraîcheur des latrines :
Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.

Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
Derrière la maison, en hiver, s'illunait,
Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son oeil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots !
Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mère s'effrayait ; les tendresses, profondes,
De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.
C'était bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment !

À sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand désert, où luit la Liberté ravie,
Forêts, soleils, rios, savanes ! - Il s'aidait
De journaux illustrés où, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
- Huit ans, - la fille des ouvriers d'à côté,
La petite brutale, et qu'elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons ;
- Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.

Il craignait les blafards dimanches de décembre,
Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou,
Il lisait une Bible à la tranche vert-chou ;
Des rêves l'oppressaient, chaque nuit, dans l'alcôve.
Il n'aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Où les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
- Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor !

Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, âcrement prise d'humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulement, déroutes et pitié !
- Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, - seul et couché sur des pièces de toile
Écrue, et pressentant violemment la voile !

Y la Madre, cerrando el libro del deber
se iba, satisfecha y orgullosa, sin ver,
en los ojos azules y bajo la frente llena de eminencias,
el alma de su hijo entregada a las repugnancias.

Todo el día rezumaba obediencia; muy
inteligente; sin embargo, tics negros, algunos rasgos
parecían probar en él agrias hipocresías.
En la sombra de los pasillos con colgaduras mohosas,
al pasar sacaba la lengua, con ambos puños
en las ingles, y en sus ojos cerrados veía puntos.
Una puerta se abría a la noche: a la luz de la lámpara
se le veía, allá arriba, refunfuñando en la baranda,
bajo un globo de luz colgado del techo. En verano
sobre todo, vencido, estúpido, se empeñaba
en encerrarse en el frescor de las letrinas:
allí pensaba, tranquilo y entregando sus fosas nasales.

Cuando, lavado de los olores del día, el jardincillo
de detrás de la casa, en invierno, se inundaba de luna,
tumbado al pie de un muro, enterrado en la marga,
y para tener visiones apretándose el ojo,
escuchaba hormiguear los sarnosos emparrados.
¡Compasión! Esos niños solos eran sus familiares
que, enclenques, frente desnuda, mirar desteñido,
ocultando unos dedos delgados y negros de barro,
bajo unos harapos apestosos y viejos,
conversaban con la dulzura de los idiotas!
Y si, habiéndolo sorprendido en piedades inmundas
su madre se asustaba, las ternuras, profundas,
del niño, se abalanzaban contra este asombro.
Estaba bien. Ella tenía la mirada azul –que miente!

A los siete años escribía novelas, sobre la vida
del gran desierto, donde luce la Libertad radiante,
bosques, soles, ríos, sabanas! - Se ayudaba
con periódicos ilustrados en los que, rojo, miraba
a españolas reír, e italianas.
Cuando venía, ojos marrones, loca, vestida de india,
-ocho años-, la hija de los obreros de al lado,
la pequeña animal, habiendo saltado
en un rincón a su espalda, agitando sus trenzas,
y estando debajo de ella le mordía las nalgas
pues no llevaba nunca bragas;
–y, magullado por sus puños y talones,
se llevaba los sabores de su piel a su habitación.

Temía los exangües domingos de diciembre
cuando, untado de pomada, en un velador de caoba,
leía una Biblia con cantos verde col;
los sueños lo oprimían, cada noche, en la alcoba.
No amaba a Dios sino a los hombres, que a la noche leonada,
negros, en camisa, veía regresar al arrabal
donde los pregoneros, con un triple redoble de tambor,
hacen, alrededor de los edictos, reír y gruñir a la muchedumbre.
-Soñaba con la pradera en amor, donde marejadas
luminosas, perfumes sanos, pubescencias de oro
se remueven lentamente y levantan el vuelo!

Y puesto que saboreaba sobre todo las cosas sombrías,
cuando, en la habitación desnuda, con las persianas cerradas,
alta y azul, agriamente tomada por la humedad,
leía su novela meditada sin cesar,
repleta de cielos bajos y de bosques anegados,
de flores de carne hacia los bosques siderales desplegadas,
vértigo, derrumbe, desastres y piedad!
– Mientras iba naciendo el rumor del barrio
abajo –, solo y acostado sobre piezas de tela
basta, y presintiendo violentamente la vela!

No hay comentarios:

Publicar un comentario

VISITAS